Et si la crise écologique n’était pas seulement une crise du climat ou de la biodiversité, mais aussi une crise de notre rapport à nous-mêmes ? C’est le postulat de la psychologie verte, une approche émergente qui considère que notre santé mentale est profondément liée à la santé de la planète. Dans un monde en proie à la dégradation environnementale, au stress permanent et à la perte de sens, cette vision ouvre une voie nouvelle : celle d’un soin réciproque entre l’humain et la Terre.
Pendant longtemps, la psychologie s’est surtout centrée sur l’individu : ses traumatismes, ses blocages, ses souffrances intérieures. Mais face à la montée de l’éco-anxiété, de la solastalgie (le mal-être lié à la transformation d’un environnement familier) et du sentiment de déconnexion au vivant, de nombreux praticiens prennent conscience qu’on ne peut plus ignorer le contexte écologique dans lequel nous vivons. Notre mal-être est aussi le reflet d’un monde abîmé, d’une nature exploitée, d’un lien rompu avec le vivant.
La psychologie verte, aussi appelée écopsychologie, ne propose pas seulement de “traiter” les émotions liées à la crise environnementale. Elle invite à repenser en profondeur notre place dans le monde naturel. Elle part du principe que l’humain fait partie intégrante des écosystèmes, et que la séparation artificielle entre “nous” et “la nature” est en grande partie responsable de notre déséquilibre collectif.
Soigner nos esprits, dans cette optique, ce n’est pas fuir la réalité écologique, mais au contraire y faire face avec lucidité et compassion. C’est accepter d’éprouver de la tristesse pour une forêt détruite, de la colère face à l’inaction politique, de la peur pour l’avenir. Ces émotions, loin d’être des obstacles, peuvent devenir des leviers d’engagement, si elles sont accueillies, partagées et transformées.
Les pratiques de la psychologie verte sont multiples. Elles peuvent prendre la forme de thérapies en nature, d’ateliers de reconnexion sensorielle à l’environnement, de cercles de parole autour du deuil écologique, de méditations en forêt ou de rituels symboliques pour honorer le vivant. Elles proposent aussi un travail intérieur profond : interroger nos croyances, nos dépendances à la consommation, nos façons de penser le progrès et le bonheur.
Mais cette démarche ne s’arrête pas à l’individu. Elle s’inscrit dans un projet plus vaste : celui d’une transition écologique qui soit aussi une transition psychologique, culturelle, spirituelle. Car pour transformer nos sociétés, il ne suffit pas de changer nos technologies ou nos lois. Il faut aussi guérir notre relation à la Terre, réapprendre à l’aimer, à la respecter, à coexister.
Il ne s’agit pas d’idéaliser la nature, ni de se perdre dans un romantisme naïf. Il s’agit de se rappeler que notre bien-être ne peut être durable si nous continuons à vivre contre, au lieu de vivre avec. En ce sens, la psychologie verte rejoint les mouvements écospirituels, les savoirs autochtones, les philosophies holistiques : autant de voies qui cherchent à retisser le lien entre intérieur et extérieur, entre soin de soi et soin du monde.
Dans un contexte où l’éco-anxiété touche de plus en plus de personnes, notamment les jeunes, cette approche peut jouer un rôle précieux. Elle permet de sortir de la solitude, du sentiment d’impuissance ou de culpabilité. Elle ouvre un espace pour réenchanter notre rapport au vivant, sans nier la gravité de la situation.
Car si nous voulons vraiment protéger la Terre, nous devons aussi apprendre à nous protéger nous-mêmes — non pas pour nous replier, mais pour rester capables d’aimer, de créer, de résister. Soigner nos esprits, c’est aussi préparer des esprits capables de porter un autre monde.