Surdiagnostic du TDAH : faut-il s’inquiéter ?

Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est aujourd’hui au cœur de nombreuses consultations en pédopsychiatrie et en psychologie. Reconnu comme un trouble neurodéveloppemental sérieux, il bénéficie d’une visibilité accrue.

Pourtant, cette visibilité soulève une inquiétude croissante chez les professionnels : le TDAH est-il en train d’être surdiagnostiqué ?
Alors que certains enfants ou adultes passent encore trop longtemps sans diagnostic, d’autres se voient attribuer cette étiquette de manière trop rapide. Entre nécessité de repérage et risque de dérive, la question mérite d’être posée.

Un trouble réel, mais de plus en plus généralisé

Le TDAH affecte environ 5 % des enfants à l’échelle mondiale, selon les estimations les plus sérieuses. Il se caractérise par une inattention persistante, une hyperactivité motrice et une impulsivité marquée, dans au moins deux contextes de vie (école, maison, loisirs).
Mais aujourd’hui, des comportements qui relèvent parfois du développement normal — agitation, rêverie, difficulté de concentration — sont parfois interprétés trop rapidement comme les signes d’un TDAH. La frontière entre comportement atypique et pathologie s’amenuise.

Pourquoi parle-t-on de surdiagnostic ?

Le surdiagnostic ne signifie pas que le TDAH n’existe pas — il désigne le fait de poser ce diagnostic chez des personnes qui ne remplissent pas réellement les critères cliniques, ou dont les difficultés relèvent d’autres causes (stress, anxiété, contexte familial, immaturité, troubles de l’apprentissage…).

Ce phénomène est favorisé par :

  • Une pression scolaire accrue sur les enfants et leurs familles;
  • Une médicalisation croissante des comportements non conformes;
  • Des bilans rapides ou partiels, parfois centrés uniquement sur des questionnaires;
  • Une attente de solution immédiate, souvent médicamenteuse;
  • L’influence des représentations médiatiques autour du TDAH.

Les conséquences d’un diagnostic mal posé

Un diagnostic précipité ou erroné peut avoir des effets négatifs :

  • Prescription injustifiée de psychostimulants (ex. méthylphénidate);
  • Stigmatisation de l’enfant ou de l’adulte (« il est hyperactif »);
  • Réduction identitaire : l’individu se définit par son trouble;
  • Passage à côté d’autres causes (anxiété, trouble du sommeil, maltraitance, difficultés pédagogiques…);
  • Risque de déresponsabilisation éducative ou pédagogique.

À long terme, ces dérives peuvent altérer la confiance dans le diagnostic lui-même et nuire à ceux qui en ont réellement besoin.

Comment éviter le surdiagnostic ?

Le repérage du TDAH reste crucial — mais il doit être encadré par une évaluation rigoureuse :

  • Entretiens cliniques approfondis avec l’enfant et ses proches;
  • Observation dans différents milieux (école, maison, loisirs);
  • Tests psychométriques ou neuropsychologiques si nécessaires;
  • Exploration des facteurs contextuels, émotionnels et sociaux;
  • Collaboration entre les différents professionnels (psychologue, médecin, enseignant).

Le diagnostic ne doit pas être une simple réponse à une plainte, mais un processus de compréhension.

Faut-il s’inquiéter ?

Oui — s’inquiéter avec discernement.
Le surdiagnostic du TDAH reflète parfois notre difficulté collective à accepter les comportements hors-norme, à adapter les environnements éducatifs, ou à prendre le temps d’une écoute globale.
Mais il ne faut pas que cette inquiétude entraîne un sous-diagnostic, tout aussi préjudiciable.

Le véritable enjeu n’est pas de diagnostiquer plus ou moins, mais de diagnostiquer mieux.

Surdiagnostic du TDAH : faut-il s’inquiéter ?